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Photo du rédacteurDocteur Yves Ecoffey

Managed-Care: illusion ou incompréhension?

Dernière mise à jour : 31 oct.

L'endiguement des coûts de la santé est une préoccupation des politiques depuis une trentaine d'années, coïncidant avec l'explosion des moyens technologiques conjuguée à un vieillissement de la population.

Au USA, le problème est connu depuis plus de soixante ans et c'est à cette époque que les premiers projets d'assurance maladie alternatifs ont vu le jour.

Le conflit entre économie et efficience est au coeur du débat, étant le pendant du rationnement et de la rationalisation.

En effet, si au départ le fantasme de la toute puissance de la technologie était de mise, permettant "de tout guérir", il a bien fallu se rendre à l'évidence que dans bon nombre de situations la douleur chronique prenait le dessus, menant souvent à l'invalidité.

C'est ainsi qu'une sur-investigation iatrogène obligée "pour ne pas passer à côté d'une maladie grave" devenait rentable. De plus l'amélioration des conditions d'hygiène améliorait l'espérance de vie et le vieillissement de la population contribuait de manière non négligeable à à l'augmentation des coûts.

Pour y remédier, il s'agissait de créer des modèles d'assurance alternatifs pour tenter d'aller vers autre chose qu'une inflation programmée.

Au début de ma formation, le médecin se voulant généraliste était clairement un spécialiste raté, incapable de se former dans une spécialité, surtout chirurgicale. D'ailleurs aucune université ne proposait de chaire de médecine générale, l'omnipraticien devant toucher "un peu à toute les spécialités", en particulier la chirurgie et la médecine interne.

C'est dans ce contexte qu'un petit nombre de pionniers dont je fais partie s'est lancé dans des modèles d'assurance alternative et comme omnipraticien, ce qui n'a pas manqué de créer un monstre tollé de l'ensemble du corps médical. Le canton de Vaud s'est particulièrement illustré en la matière, et ce de manière très démonstrative.

Souvent, on oublie les implications politiques de tout nouveau projet, avec en toile de fond un fédéralisme helvétique rendant les cantons tout puissants en la matière. En résumé on peut dire que, s'agissant de la santé: 26 cantons = 26 pays.

Profitant de cet imbroglio médico-politique, les assureurs ne se sont pas gênés pour se faire de la concurrence sur le dos d'un corps médical éclaté. Trop nombreux, ils se sont rués dans ces produits niche pour ne pas se faire racheter, et ce sur le dos de médecins.

A noter que durant cette période de trente ans le nombre d'assurance maladie a drastiquement diminué.

Promouvoir la médecine générale en se lançant dans des projets d'assurance alternative plus que controversés, tel était le challenge à relever.

Le terme "Managed-Care" signifiant "gestion des soins" nous vient des Etats Unis, premier pays directement confronté au problème des coûts. Pays libéral à souhait au très fort pouvoir de l'argent, il apparaît clairement que celui-ci domine la notion de soins, provocant des réactions émotionnelles très fortes. Gestion des soins ou soins gérés? En fait l'un d'abord et l'autre ensuite mais dans la formulation, l'argumentation financière domine celle des soins, provoquant des débats pour le moins houleux.

C'est ainsi que les différents projets alternatifs d'assurance se sont vus attribués des vocables disons plus ou moins sympathiques tel que HMO (Health Maintenance Organisation), PPO (Preferred Provider Organisation) ou assurance médecin de famille.

En fait, il s'agit à chaque fois d'avoir un médecin référent, ce qui crée la première source de conflit entre médecins car si le patient devait consulter en priorité un seul médecin, le libre choix et le fait de bénéficier d'un second avis est aboli, d'où le tollé!!!

De plus en découlait un second conflit, purement financier, c'est-à-dire de savoir qui négocierait avec les assureurs. Car soit les médecins sont salariés et donc à la merci des financiers qui les poussent (ou obligent) à faire plus ou moins n'importe quoi pour une rentabilité maximale, soit ils sont indépendants et alors s'organisent en cartels potentiellement mafieux, afin de garder une exclusivité qui exclu ceux qui ont le droit de pratiquer mais n'entrent pas dans le système.

Pour sortir de cette ornière, il faut une bonne dose d'idéalisme car il s'agit ni plus ni moins de changer son rapport à l'argent: l'argent, ou posséder un maximum d'argent n'est alors plus une finalité en soi. L'argent devient l'outil de travail du financier tout comme la truelle celui du maçon: on construit des murs, on ne collectionne pas des truelles...

Le rapport à l'argent est donc au coeur du problème médical, au coeur de la dynamique de soins: parler des coûts de la santé est un leurre que l'on peut même qualifier de pervers puisqu'il s'agit en fait des coûts de la maladie. D'ailleurs les mesures de prévention ne sont actuellement encore que peu ou pas remboursées.

La maladie est donc un marché qui pousse la santé à la faillite. Le rapport à l'argent en est la cause, car il ne s'agit pas de nier les progrès et le confort médical dont certains peuvent jouir actuellement mais bien de cibler les bonnes indications à toute action médicale: de gérer.

En matière de finance, la Suisse est une championne du paradoxe. La valeur de l'argent y est complètement tronquée, pervertie. A ce sujet il faut citer une anecdote révélatrice:

Durant les années 1960, une crise est venue de la valeur marchande des pièces de monnaie: les pièces de 50 centimes, 1 franc, 2 francs et 5 francs contenaient dans leur alliage plus d'argent que leur valeur intrinsèque. C'est ainsi que certaines personnes averties se sont mises à fondre ces pièces pour séparer de l'alliage l'argent des autres métaux. Il pouvaient ainsi revendre cet argent plus cher que la valeur annoncée de la pièce qu'ils avaient fondue.

Dès l'astuce connue, la Confédération par le département des finances a réagi en créant des pièces de monnaie identique quant à leur graphisme mais ne contenant pas d'argent, et ce dès 1968. C'est ainsi que les pièces mentionnées plus haut émises avant 1968 contiennent de l'argent mais ne sont plus valable alors que celles émises depuis le sont car ne contenant pas d'argent... Cherchez l'erreur!

Aujourd'hui, si vous payez avec une pièce de monnaie de 50 centimes, 1,2 ou 5 francs émise avant 1968 le marchand va vous la refuser, alors que les pièces de 10 et 20 centimes, qui n'ont jamais contenu d'argent sont encore valable! Si vous regardez les pièces de 10 et 20 centimes en circulation, vous en trouverez certaines émises au début du vingtième siècle et peut-être même avant... (c'est dire en combien de mains elles ont dû passer, laissant perdurer la vie...).

On est là au sommet du paradoxe financier: une pièce qui contient de l'argent n'a pas de valeur marchande alors que celle qui n'en contient pas en a!!! Comme quoi l'argent ne sert plus à marchander, à faire des affaires...

En justice, il est parfois possible de libérer quelqu'un sous caution, permettant de racheter la liberté de quelqu'un incarcéré pour des motifs pénaux. Dans ce cas, on donne un pouvoir à l'argent qui le place au dessus des lois. De plus, seuls les nantis ont ce privilège, créant ainsi une justice à deux vitesses. Comme en médecine il faut bien le dire, l'argent donne le pouvoir d'accéder à ce qui est reconnu comme étant la liberté et la santé.

Ce paradoxe financier fait que la santé (qui n'a dit-on pas de prix) ne rapporte effectivement rien en comparaison à la maladie. Preuve en est une intervention médicale mal posée (chirurgicale ou non, soit un acte pensé et agi) qui échoue et débouche sur des complications engendrera dès lors un chiffre d'affaire incomparable avec une intervention indiquée et réussie. A noter qu'il en va de même pour l'urgence - qui est un mal nécessairement pris en charge - versus un acte effectué de manière élective.

Les expériences de Managed-Care auxquelles j'ai participé sont décrites dans le post "une politique de terrain". Elle ont eu lieu dans un contexte politique particulièrement tendu en raison des enjeux financiers, du fédéralisme et de la culture de chaque université. De plus les coûts de la santé n'étaient pas une préoccupation majeure contrairement à la nécessité de légiférer (LAMAL) et de mettre sous toit un tarif médical (TARMED). Le problème n'étant pas attaqué à la base, les résultats de toute ces négociations ont été plus que décevants comme on le sait aujourd'hui.

Pour trouver une solution à un problème, les personnes concernées doivent s'investir (référence: Lapalice). C'est ainsi que les médecins doivent s'investir financièrement dans la santé avec la prise de risque qui en découle et s'impose. Ceci est loin d'être acquis surtout si l'on connait le manque pour ne pas dire l'absence de connaissance des médecins en matière de finance et le fait qu'à l'ouverture d'un cabinet médical sa rentabilité et d'emblée acquise pour ne pas dire plus, "car la santé n'a pas de prix".

C'est pourtant ce que j'ai tenté de faire avec des confrères ayant des motivations diverses, certains engagés dans un centre médical avec urgences et d'autres dans le Managed-Care. Le fait de ne plus avoir le libre choix du médecin et le conflit financier induit par les assureurs ont rapidement mis en opposition les deux groupes de médecins de manière plus ou moins véhémente. Les plus démonstratifs étaient les spécialistes à haut revenu. En effet, ils n'étaient pas invités à la table des négociations tarifaires. De plus, l'animosité des autres médecins de la région ne participant pas aux projets était palpable. On pourrait citer de nombreuses anecdotes comme l'arrachage manuel d'un panneau mal posé et une assemblée de 250 médecins décrite comme une chianli par exemple.

Il faut encore mentionner les implications politiques totalement extra-médicales liés à la souveraineté cantonale et réveillant des querelles insurrectionnelles séculaires.

Ci-dessous, vous pouvez découvrir deux expériences dans lesquelles je me suis impliqué et qui ont été interrompues pour des raisons politiques malgré des résultats encourageants. Le tableau mentionné en dernier est celui d'un réseau concurrent auquel j'ai pu participer uniquement en tant que médecin adhérent. Son intérêt consiste à montrer que s'occuper des patients coûte moins cher que de les laisser livrés à eux-même dans les dédales d'un système en perdition...

A la neuvième minute de cette émission, mon Confrère Jean-Pierre Randin intervient pour conforter ce que je disais au journal télévisé que vous pouvez visionner ci-dessous. A cette époque, il était mon détracteur, pensant que l'appât du gain ne permettait pas de réaliser ce dont il était convaincu.



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