Trop souvent les acteurs politique oublient le travail de mercenaire que font les ouvriers. Il l'ont peut-être fait eux-même et à une plus ou moins lointaine époque. Pourtant, c'est de l'avoir pratiqué un jour qui rend crédible un chef d'entreprise.
Ceux qui sont amenés à prendre les décisions le font installés confortablement dans leur tour d'argent, oubliant ce qu'il se passe à la base, avec des conséquences fâcheuses et plus ou moins délétères.
Ceci m'a toujours interpellé, confortant l'adage disant "faites comme je dis mais pas comme je fais". Pour être crédible comme dirigeant, il s'agit d'également être présent sur le terrain, soit conjuguer la théorie et la pratique.
C'est dans ce sens que nous avons, avec quelques confrères, créé un centre médical, notre outil de travail. Administrateur et chef d'entreprise nous devions l'être, car si la gestion était laissée à des tiers nous retombions dans le travers traditionnel qui veut que l'argent est le nerf de la guerre et que qui paye commande.
Ainsi, en étant nous-même propriétaire et actionnaire, nous pouvions ne pas nous laisser imposer une politique purement mercantile par des financiers plus ou moins gourmands. C'est la politique de l'actionnaire animateur, soit l'ouvrier qui est lui-même le patron. Il s'agissait donc de mener la politique d'une petite entreprise familiale à plus grande échelle, au niveau de la PME. Pour ce faire, l'entente entre médecins était indispensable afin de pouvoir imposer une attitude humaniste centrée sur la clinique et non pas sur l'argent: réfléchir et faire ce que l'on juge utile dans une situation particulière et non pas faire n'importe quoi pour rentabiliser un maximum nos investissements. Tel était le challenge.
Sa réussite passait obligatoirement par une entente entre médecins qui devaient garder la majorité du capital-action de l'entreprise.
Juridiquement parlant, des conventions entre actionnaires étaient nécessaire afin de prévenir des conflits d'intérêt mettant en péril l'entreprise. Une rigueur et une honnêteté de chacun étaient indispensable.
Les participants ont collégialement joué le jeu, permettant ainsi de faire perdre à l'argent son pouvoir.
L'aspect financier étant sous contrôle, fallait-il encore qu'il le soit sur le plan médical. En effet, si chaque médecin s'engage à réfléchir pour ne pas céder à une pression financière encore faut-il qu'il respecte une coordination des soins, rôle du généraliste, médecin de famille. Cela passait obligatoirement par un projet de type "Managed-Care" où le médecin traitant prenait le pouvoir d'un coordinateur, d'un chef d'orchestre. La perte de pouvoir des "spécialistes" (qui sont également médecin et ont la même formation de base que les généralistes) posait de très gros problèmes. La terminologie anglophone pour désigner un médecin qui prend en charge un patient n'était pas rassurante: "gate-keeper" et médecin de premier recours au lieu de médecin traitant, de famille. Celle-ci a littéralement mis le feu aux poudres car il ne s'agissait plus d'être le médecin du patient ("mon médecin traitant") mais celui de la caisse-maladie orchestrant le projet ("nos médecins"). L'effet pervers est que de pouvoir médical revenait aux caisses ce qui est inacceptable. En effet, comme tout le monde le sait, qui paye commande. C'est d'ailleurs le gros travers que doivent gérer les médecins-conseil.
C'est ainsi qu'avec quelques confrères purement omnipraticiens, garant d'une médecine holistique nous avons créé deux associations. Il s'agissait impérativement de séparer l'activité médicale de la finance, sous peine d'un conflit pécuniairement ingérable. En effet, le revenu du médecin est très disparate d'une pratique à l'autre.
La première association (AMI signifiant association de médecins indépendants) regroupait l'ensemble du corps médical afin d'organiser des colloques interactifs et de promotion de la santé. Il y en eu trois:
1° le colloque dit "d'inter-vision" consistait en la présentation de situations clinique en présence de deux spécialistes: l'un en médecine somatique et l'autre psychiatre.
2° le colloque vidéo, groupe fermé présentant des situations filmées au cabinet médical sous la supervision d'un psychiatre pionnier et spécialisé en la matière. Le but de ce colloque était l'étude de la relation médecin-malade visant à décrypter correctement les messages verbaux et non-verbaux et d'instaurer une plus grande confiance mutuelle entre le médecin et son patient. En effet, celle-ci est essentielle à la compréhension fine des plaintes et de l'attente du patient afin de mieux comprendre ce qui se passe, en particulier lorsque l'examen clinique et les multiples investigations para-cliniques sont normaux.
3° un cahier proposant l'attitude à adopter pour l'investigation des pathologies à plus haut risque par tranche d'âge, et ce en collaboration avec l'université.
La deuxième association (AMR signifiant association de médecins de réseaux), uniquement accessible aux omnipraticiens, avait pour mission de signer des contrats de pré-capitation avec diverses caisses-maladie. Les médecins étaient responsables de la tenue du budget et partageaient conjointement le risque financier avec les caisses.
Nous avons obtenu des résultats positifs, publiés par les caisses, montrant qu'il est possible d'endiguer les coûts, de gérer la santé et de sortir de l'anarchie. Vous trouvez ci-dessous un exemple de résultats obtenus sur trois ans.
L'organigramme ci-dessous présente les interactions entre les différents modes d'assurance avec les expériences de Managed-Care que nous avons tentées.
Ces projets ont malheureusement dû être abandonnés pour des raisons politiques. A l'avenir et pour donner suite à ce type de projet, des contrats de capitation sont nécessaire. Il s'agit de créer des réseaux de santé où le risque financier est partagé entre médecins et assureurs comme dans l'exemple de PME cité ci-dessus. Le conseil d'administration consiste en une commission paritaire où les médecins gardent le pouvoir d'engager les fonds nécessaires pour tel ou tel traitement médicalement justifié. Ceci a déjà été étudié. Pour fonctionner, le réseau doit conclure une réassurance de 20 mille francs pour couvrir les traitements lourds. Ce chiffre qui est à suivre permet un équilibre financier rendant le réseau viable. En effet, au dessus de 20 mille francs le patient coûte trop cher alors qu'en dessous c'est la réassurance qui est trop chère.
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