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  • Photo du rédacteurDocteur Yves Ecoffey

Médecine générale: l'éthique de concilier art et science.

Dernière mise à jour : 28 déc. 2019

Mettre la science au service de l'Art, tel est le challenge.

La roue tourne, dit-on. L'accepter c'est reconnaître que la synergie consiste en l'intervention d'un tiers bienveillant dans une relation conflictuelle. Ce tiers est au service du médecin en difficulté, étant lui-même au service du patient et incapable de lui donner satisfaction. Le patient est alors au service du tiers en lui fournissant les renseignements nécessaires à la résolution du conflit. Pierre angulaire de taille: une honnêteté rigoureuse (éthique) qui est alors de mise.

De même, cette éthique intervient de manière essentielle pour concilier art et science: si la science doit être au service de l'art pour lui permettre de progresser, celui-ci doit avoir une éthique afin d'éviter de faire n'importe quoi pour de l'argent ou par abus de pouvoir. Ainsi l'éthique se met au service de la science pour lui donner un cadre qui lui permettra de ne pas pratiquer des actes inacceptables. Encore faut-il définir ce qui est acceptable ou non.

La roue tourne: la science est au service de l'art, oui, mais l'art est au service de l'éthique qui est au service de la science. La boucle est bouclée.

Jusqu'à la découverte de l'asepsie au milieu du dix-neuvième siècle, la médecine était très empirique et le devenir du patient en général fort compromis. Suite à la mise en évidence de micro-organismes, l'évolution de la technologie a révolutionné l'activité médicale en particulier dans les domaines de la chirurgie (instruments puis endoscopie et robotique), de l'imagerie (rayons X, scanner, IRM) et de la médecine légale (ADN). C'est ainsi qu'est né le fantasme d'une toute puissance de la technologie impliquant de tout savoir, de tout contrôler et de pouvoir prolonger la vie jusqu'à l'immortalité. Il s'agit ni plus ni moins de faire miroiter le risque zéro et de le promouvoir en proférant: "mais non, il n'y a aucun risque...". Dans cette vision du monde, la médecine n'est plus confinée à son aspect artistique et devient une science exacte, supplantant l'Art plutôt que d'être à son service.

Les considérations d'ordre philosophique ont été progressivement délaissées, créant ainsi un clivage entre le soma et le psyché. Dès lors, en médecine somatique on écoute de moins en moins les patients alors qu'en psychiatrie on ne les touche plus. Parallèlement s'est développé une ultra spécialisation rendant le praticien qui déborde au delà des compétences dont il peut se référer très vulnérable. Le spectre d'un procès en tétanise plus d'un et les USA sont les pionniers de ce modèle très rentable.

En 2003 lors d'un voyage en Grèce, j'ai eu l'occasion de me rendre à Cos, île d'Asclepio et d'Hyppocrate. Pionniers de la médecine humaine, ils sont de ceux qui ont dû gérer le conflit avec les divinités, c'est-à-dire avec une médecine divine et irrationnelle. De mes réflexions j'a publié un article tel vous pouvez le lire ci-dessous.

En développant une attitude scientifique, c'est-à dire observer et mesurer, l'homme s'approprie la médecine d'où le dilemme qui le pousse à se prendre pour Dieu, terreau de la folie ordinaire. Le conflit est symbolisé par les rapports commerciaux, par l'argent. Une bonne gestion conduit à une situation sereine avec une satisfaction réciproque. C'est l'aboutissement d'une relation médecin-malade accomplie avec un dénouement thérapeutique heureux, quelle qu'en soit l'issue.

Le principal tabou en médecine est donc l'argent, rentabilité oblige.

La science produit et engendre du revenu alors que l'art ne nourrit que rarement son homme. Concilier les deux est le challenge de la médecine générale: "vivre de son art est un art de vivre".

Oser parler d'argent est une gageure qui s'est naturellement imposée avec l'évolution de la technologie. En effet, le coût engendré par celle-ci a mis à mal l'adage consistant à dire "la santé n'a pas de prix". Certes, mais la maladie, elle, en a un et l'amalgame santé-maladie est à l'origine d'une incompréhension générale.

La volonté d'une rentabilité forcenée, retour sur investissement oblige, a conduit à une anarchie des investissements effectués. Il s'est créé une compétition entre les institutions publiques à vocation mutualiste et les institutions privées centrées sur la rentabilité de leurs investissements.

Alors que leur but est finalement le même: soigner toute la population, cette compétition sans concertation ni recherche de synergie a débouché sur une inflation incontrôlée des coûts. Paradoxalement, le secteur privé est mieux géré donc plus rentable (moins cher) que le secteur publique. A mon avis, la motivation (vocation),compte beaucoup dans l'efficience à tout niveaux.

Gestion et synergie sont les mots clé de la conciliation entre art et science. En effet, hors mis l'art brut et encore, toute activité artistique a besoin d'un substrat organique, de matière. Que ce soit en peinture, en musique, en cuisine ou autre un objet conçu et travaillé est nécessaire à la réalisation de l'oeuvre. La fabrication de cet objet nécessite une approche scientifique rapport à l'étude pour sa réalisation après sa conception.

En médecine le stéthoscope est le premier objet utilisé en clinique pour l'auscultation. D'autres ont suivi (balance, toise, marteau à réflexes etc...), appuyés par des moyens électro-mécaniques puis informatiques. Appuyés? c'est du moins ce que l'on veut nous faire croire. En fait, il n'y a plus de contact direct avec le patient c'est-à-dire plus d'évaluation clinique: on examine le corps avec des machines et l'esprit avec des questionnaires. Cette absence de contact humain conduit à une incompréhension réciproque du médecin et du patient, porte ouverte à tous les débordements. C'est paradoxalement la peur du contact humain qui conduit à sa dérive. Les examens para-cliniques ne son plus une aide à la compréhension diagnostique mais une finalité en soi.

Il y a donc un antagonisme qu'on pourrait résumer en disant: "heureusement qu'il y a les examens para-clinique si non on n'aurait rien vu". Le contraire pour la clinique est rarement évoqué. Or il est évident que les deux sont complémentaires, l'évaluation clinique précédant les examens par le simple fait de demander "comment ça va?".

Pour une réconciliation il faut une indication, c'est-à-dire une réflexion sur le fait d'agir ou pas. Celle-ci oblige à une évaluation clinique qui prime dans toute situation, comme les médecins, en tout cas de ma génération s'appliquent à le répéter:"c'est la clinique qui prime". L'art est de poser une bonne indication, scientifiquement prouvée et répondant à une évaluation clinique éthiquement respectée.


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